Comprendre le rôle des levures dans la fermentation du vin

13/05/2025

Les levures, c’est quoi exactement ?

Avant tout, parlons vocabulaire. Les levures sont des champignons microscopiques unicellulaires (oui, champignons ! Cela ne les rend pas moins passionnants, promis). Parmi des milliers d’espèces qui existent, une star se détache dans l’univers du vin : Saccharomyces cerevisiae. Pourquoi ce nom si savant ? Parce qu’elle est particulièrement douée pour transformer le sucre en alcool et en dioxyde de carbone. En gros, elle est au vin ce qu’un boulanger est à un bon pain.

Si cette levure domine l’art de la fermentation, elle n’est pas seule sur le terrain. D’autres levures sauvages – issues de l’environnement, présentes sur les peaux de raisins ou dans le chai – jouaient le rôle principal avant l’arrivée de la science moderne. Aujourd’hui encore, certaines cuvées naturelles placent leur confiance dans ces levures indigènes pour exprimer un terroir unique.

Quel est le rôle précis des levures dans la fermentation ?

Entrons dans le vif du sujet. La fermentation, ce n’est ni plus ni moins que le processus de transformation des sucres présents dans le raisin en alcool. Et ce sont les levures qui s’en chargent. Mais concrètement, qu’est-ce qui se passe ?

  • Imaginez un grand buffet de sucre : les raisins mûrs regorgent de deux sucres principaux, le glucose et le fructose. Les levures se régalent en dévorant ces sucres, un peu comme si elles étaient lâchées dans un buffet à volonté.
  • Résultat de ce festin ? L’alcool : au cours de ce processus, qu’on appelle la fermentation alcoolique, les levures transforment les molécules de sucre en éthanol (l’alcool qu’on aime autant retrouver dans le verre).
  • Un petit bonus : le dioxyde de carbone : en prime, ce processus libère du CO2. Et si on vinifie un mousseux comme un champagne, ce CO2 est capturé pour donner naissance aux bulles.

Mais ces adorables micro-organismes ne s’arrêtent pas là. Elles jouent aussi sur la complexité aromatique du vin. Vous avez déjà senti des notes de banane, de brioche ou de fleurs blanches en dégustant un chardonnay ? Ce sont, souvent, les levures qui travaillent dans l’ombre pour produire ces composés volatils aux arômes enchanteurs.

Levures indigènes ou levures sélectionnées : faut-il choisir son camp ?

Dans le monde de la vinification, deux écoles s’opposent (gentiment) sur la question des levures :

Les levures indigènes

Ces levures naturelles, présentes dans le vignoble, sont déjà sur le raisin avant même la récolte. On les retrouve également dans les moindres recoins du chai, imbriquées dans le patrimoine du domaine. Les partisans de ces levures affirment qu’elles permettent de mieux exprimer le terroir et de conférer un caractère unique au vin. Mais attention, ces levures sont parfois capricieuses et peuvent stopper la fermentation (ce qu’on appelle une "fermentation tumultueuse"), obligeant le vigneron à jongler avec beaucoup de savoir-faire et un brin de patience.

Les levures sélectionnées

À l’opposé, on trouve les levures sélectionnées, fabriquées et commercialisées pour assurer un processus de fermentation plus prévisible. Ces levures sont comme un plan de secours organisé : elles permettent d’obtenir des résultats constants, même si la récolte a été compliquée ou si les conditions ne jouent pas en faveur d’une fermentation idéale.

Alors, quelle levure choisir ? Difficile à dire, car tout dépend de la philosophie du vigneron et du style de vin recherché. Certains domaines vont alterner les méthodes, combinant levures indigènes pour l’expression aromatique et sélectionnées pour jouer la sécurité.

La fermentation en pratique : du labo à la cuve

Maintenant que nous savons à quoi servent les levures, parlons un peu de leurs conditions de "travail". Comme nous tous, elles ont leurs petites exigences :

  1. La température : pour la fermentation alcoolique, une température entre 18 et 25°C est idéale. En dessous, les levures somnolent, et au-delà de 35°C, leur travail peut être compromis. Le contrôle de la température est donc un outil clé en vinification.
  2. L’oxygène : ça peut paraître contre-intuitif, mais les levures n’aiment pas trop d’oxygène pendant la fermentation. Les conditions anaérobies (sans oxygène) favorisent leur efficacité.
  3. Une alimentation adaptée : les levures broutent aussi des nutriments comme l’azote, le soufre et des vitamines pour fonctionner correctement. Si le raisin en manque, des apports peuvent être nécessaires pour éviter de mauvaises surprises.

Quant à leur durée de vie, une fois la digestion des sucres achevée, les levures finissent par mourir, formant ce qu’on appelle les lies. Et là encore, leur rôle n’est pas fini : ces lies peuvent être conservées pour affiner le vin ou lui apporter des arômes supplémentaires (le fameux travail sur lies en Bourgogne ou dans certains champagnes).

Sans levures, que se passerait-il ?

Laissez-moi poser une question qui résume tout : sans levures, le vin existerait-il ? La réponse est un non catégorique. Sans elles, pas de fermentation, donc pas de transformation du jus de raisin en nectar alcoolisé. Ces petites cellules invisibles sont indispensables, et leur travail passionnant mérite toute notre attention.

Mais sans vouloir vous effrayer, la fermentation peut parfois tourner… à l’échec. Une mauvaise gestion des levures, un jus de raisin trop pauvre en nutriments ou une contamination extérieure peuvent ralentir ou stopper le processus. Résultat : une fermentation incomplète, des arômes désagréables (l’odeur d’œuf pourri, par exemple, due à un excès de soufre) ou un vin mal stabilisé. Fort heureusement, ces problèmes sont rarement insurmontables pour un vigneron expérimenté.

Les levures, un monde fascinant à découvrir

Que vous préfériez un sauvignon blanc éclatant ou un syrah complexe, dites-vous que les levures, invisibles mais omniprésentes, ont joué un rôle décisif dans l’élaboration de votre vin préféré. Leur capacité à transformer les sucres en alcool est essentielle, mais elles vont encore plus loin : elles façonnent les arômes, définissent les textures et, parfois, deviennent même un sujet de controverse parmi les vignerons.

Alors, la prochaine fois que vous servirez un verre à vos amis, glissez un mot sur ces champignons minuscules mais puissants. Après tout, leur savoir-faire mérite un toast, non ? Santé (et merci, les levures) !

En savoir plus à ce sujet :